Patrick Legrand, un
"écolo" au service du lobby nucléaire |
Ami de la police et du Commissariat à l'énergie
atomique,
il dénigre les opposants à la construction du réacteur ITER
Depuis quelques années, instituée par la Loi, la
Commission nationale du débat public (CNDP) organise des débats autour de chaque projet
d'ampleur : autoroute, ligne THT, ligne TGV, installation nucléaire, etc.
Ces débats n'ont qu'un lointain rapport avec la
vraie "démocratie participative" : à Porto-Alegre (Brésil), les citoyens
votent à la fin du débat. En France, on peut juste débattre, ou plutôt bavarder :
aujourd'hui comme hier, les décisions sont prises par les "élites" qui ne sont
même pas tenues d'avoir lu les comptes-rendus de la Commission du débat public !
Cependant, avec beaucoup de bienveillance, on peut
éventuellement considérer que ces débats publics constituent une petite avancée
démocratique
sauf concernant le nucléaire. En effet, dès qu'il s'agit d'atome,
les débats ont lieu APRES les prises de décision.
Ainsi, le "débat" sur le réacteur EPR
(fission nucléaire, construction annoncée à Flamanville dans la manche) s'est déroulé
à partir de septembre 2005, alors que la construction de ce réacteur a été votée le
13 juillet par les parlementaires. Ceux-ci connaissaient les dates du débat public qu'ils
ont donc consciencieusement torpillé. Le président du Débat public sur l'EPR ne s'est
d'ailleurs pas privé de dénoncer ce coup de force des parlementaires.
La situation est bien différente concernant le
réacteur ITER (fusion nucléaire, construction annoncé à Cadarache,
Bouches-du-Rhône) : la décision de construction a été signée par la France avec
ses partenaires étrangers (USA, Russie, Chine, Japon, Corée) le 25 juin 2005, et ce
n'est qu'après que la Commission nationale du débat public (CNDP) a décidé d'organiser
un "débat".
Tout était donc déjà bouclé, mais la CNDP a
quand même réussi à trouver en son sein un individu suffisamment dénué de dignité
pour accepter cette mission : présider un pseudo "débat" dont le seul objet
consiste à donner, après coup, une apparence démocratique à une décision prise dans
le dos des citoyens.
Incroyable : cet individu, un dénommé Patrick
Legrand, est un supposé "écolo", ancien président de France nature
environnement (FNE) qu'il est censé représenter dans la CNDP. Dénué de la moindre
crédibilité, ne représentant que lui-même, Legrand s'est dit que c'était là le rôle
de sa vie.
C'est ainsi qu'il s'est mis à collaborer avec le
CEA (Commissariat à l'énergie atomique), avec la police et la gendarmerie, les
renseignements généraux, à faire l'apologie du réacteur nucléaire ITER, et carrément
à dénigrer les opposants : environnementalistes, antinucléaires, ou simples citoyens
révolté par cette parodie de démocratie.
Le jeudi 26 janvier 2006, la séance d'ouverture du
Déat public sur ITER, à Aix-en-Provence, a été empêchée par une centaine de
manifestants qui se sont prononcés pour le principe du Débat public mais contre
l'organisation d'un tel débat APRES les prises de décisions.
A partir de là, le "président" Legrand
s'est démené pour sauver le rôle de sa vie et donc le pseudo "débat public".
Pour cela, il s'est allié à la police et au Commissariat à l'énergie atomique,
trahissant le principe de neutralité de la CNDP.
Ainsi, tous les débats qui étaient prévus dans
des universités ont été déplacés dans d'autres lieux
où la police peut donc
prendre position, contrairement aux facultés !
D'ailleurs, la seconde étape du "débat"
- organisée dans un centre EDF !!! - a donné lieux à une manipulation indigne : la
salle, une petite centaine de place, était remplie à l'avance (en particulier d'agents
EDF et de retraités du CEA) et bouclée par la police. Celle-ci à néanmoins trié[1]
les citoyens, repoussant ceux qui ressemblaient à des manifestants et laissant passer
ceux qui pouvaient produire une carte du CEA.
Cette manuvre nauséabonde a d'ailleurs
laissé à la porte du Débat le Président de la Ligue des droits de l'Homme (04), lequel
s'est fendu en direction de la CNDP d'une virulente "Lettre ouverte aux fossoyeurs du
débat public"[2]
Le CEA a alors, à chaque étape, fourni du public
au "président" Legrand en organisant un bus depuis le centre nucléaire de
Cadarache. Le Réseau "Sortir du nucléaire" a d'ailleurs rendu public un mail
interne[3]
du CEA qui organise cette manipulation
En guise de remerciement, Legrand s'est appliqué à qualifier systématiquement ITER d' "installation exceptionnelle"[4]. Certes, c'est formellement le cas : il n'y a heureusement qu'un seul ITER prévu pour le moment ! Mais, dans le langage courant (et qui plus est dans le contexte du débat ITER), le qualificatif "exceptionnel" est bien entendu une véritable magnification du projet. Le CEA ronronne de plaisir grâce à son ami Legrand.
Ce dernier a alors poursuivi sa fuite en avant en
s'en prenant directement aux opposants. C'est le cas par exemple dans la dépêche AFP du
7 mars 2006 :
« Le débat engagé autour du projet Iter n'a
pas fait apparaître une opposition structurée à ce centre international de recherche
sur la fusion nucléaire, a estimé mardi Patrick Legrand, président de la commission du
débat public sur Iter. "Moi, je n'ai pas entendu grand chose. Il n'y a pas de
mouvement constitué, ouvertement hostile à Iter", a indiqué M. Legrand, ancien
président de la fédération écologiste France Nature Environnement, en attribuant les
tensions ayant entouré l'ouverture du débat à quelques individualités. »
A nouveau le CEA ronronne de plaisir : il n'a pas
besoin de "monter au créneau" lui-même, le sale boulot étant effectué par
son serviteur Legrand.
Ce dernier, flatté par ses maîtres, s'est alors
de plus en plus lâché à l'encontre des environnementalistes : dans le compte-rendu
(rédigé par la Commission Legrand elle-même) du "débat" du 2 mars, on peut
lire : "Patrick Legrand a répondu que les manifestations étaient
réellement de l'ordre du charivari."[5]
Notons que ce même soir,
rompant une nouvelle fois avec les principes de neutralité du débat public, Legrand
avait invité à intervenir une "personnalité"[6]
(un certain Maxence Revault dAllonnes, Professeur au Muséum National
dHistoire Naturelle) dont la contribution, sous prétexte de poser des questions
naïves (tout en citant le pronucléaire Charpak !), a tenté de discréditer les
énergies renouvelables au profit du nucléaire, seule option réaliste ! Ben voyons !
Toujours dans le même
document : "Patrick Legrand a précisé que les porteurs du projet prendraient la
parole : Pascal Amenc-Antoni, directrice de l'agence ITER-France et du CEA Cadarache,
Michel Chatelier, chef du département recherche sur la fusion au CEA Cadarache, et
Yannick Imbert, directeur de projet chargé des mesures d'accompagnement d'ITER auprès du
Préfet de région"
Voilà de quoi contenter les spectateurs, toujours fournis majoritairement par le CEA. Car, en réalité, il n'y a pratiquement aucun citoyen ordinaire qui participe à cette parodie de démocratie. On les comprend.
[1] Le Dauphiné libéré du 3 février 2006 précise d'ailleurs : "La colère de ceux qui venaient de se transformer en manifestants fut d'autant plus grande que certaines personnes, sélectionnées sur des critère que de simples observateurs ne pouvaient deviner, purent accéder au débat !"
[2] www.debatpublic-iter.org/docs/pdf/contributions/contribution-ldh-04.pdf
[3] cf sur http://reacteur.iter.free.fr
[4] Voir entre autres : www.debatpublic-iter.org/actualite/compte-rendu/compte-rendu_020206.html
[5] www.debatpublic-iter.org/actualite/compte-rendu/compte-rendu_02032006.html
[6] Dans le Débat public, il ne doit pas y avoir d'intervenant privilégié, chaque parole ayant la même importance.