Iter / Fusion nucléaire
La politique des effets d'annonce

 

De suspectes "grandes avancées technologiques", annoncées comme par hasard juste avant les échéances politiques.

Une dépêche AFP de vendredi 21 juillet 2006 nous apprend que "L'Agence japonaise de l'énergie atomique (JAEA) a annoncé vendredi avoir franchi une étape technique cruciale pour le projet de réacteur expérimental à fusion nucléaire contrôlée international ITER."

Il convient de replacer cette annonce dans son contexte : elle tombe juste avant que les divers pays engagés ne se prononcent sur la ratification de l'accord international sur ITER. Car, cela a soigneusement été caché à l'opinion, ITER est encore un projet virtuel et pourrait bien ne jamais voir le jour. Tout va se jouer dans les semaines qui viennent. (*)

Les physiciens nucléaires font aussi de la politique. Pour eux, cela consiste à se faire attribuer des budgets colossaux et à convaincre les politiciens de continuer à les soutenir. Et cela passe par de belles annonces au moments les plus opportuns. Quelques rappels :

- Mai 2006 : une annonce fort suspecte…
Le 21 mai 2006, trois jours seulement avant la date de signature de l'accord international sur ITER, les promoteurs de la fusion ont opportunément annoncé que "un obstacle important à la fusion nucléaire industrielle a été franchi en laboratoire".

Mais, quant on prend le temps de lire avec attention le communiqué de mai dernier, on note "Les chercheurs estiment que cela pourrait régler un obstacle rencontré par toutes les installations travaillant sur la fusion". En vérité, le problème technologique (l'érosion des parois internes du réacteur par les neutrons de très haute énergie émis par la fusion) reste donc entier ! Peu importe, l'essentiel était d'annoncer une "grande avancée" afin que les signataires ne flanchent pas au moment de parapher...

 
-  Décembre 2003 : un record du monde bien opportun
Le 5 décembre 2003, l'installation Tore supra de Cadarache bat un "record du monde", une décharge de plasma d'une durée de 6 minutes. Comme par hasard, cet "exploit" survenait deux semaines à peine avant une importante réunion à Washington qui pouvait décider du site d'implantation d'ITER. (Il faudra en fait plusieurs mois supplémentaires et des concessions colossales, en particulier financières, pour que la France ne décroche ITER.)

- Remontons plus loin encore : Novembre 1991 :
Un exemple d'annonce tonitruante… jamais confirmée !

Les Européens franchissent un pas décisif dans la fusion thermonucléaire
Le Monde -
12 Novembre 1991 - Extrait : Les physiciens européens ont, semble-t-il, franchi un grand pas, samedi 9 novembre, à Culham (Grande-Bretagne) en produisant de l'énergie par fusion nucléaire. Ce résultat est une étape décisive dans un processus qui doit conduire au contrôle d'une énergie presque inépuisable. Est-ce l'événement que tous les physiciens attendaient ? Vraisemblablement oui, à en croire les responsables du Joint European Torus (JET) de Culham qui, dans une espèce de grosse chambre à air métallique de quelques mètres de diamètre, ont réussi, pendant un court instant, à "mettre le Soleil en bouteille "

Nous ne savons pas si cette annonce tombait elle aussi avant une échéance, mais peu importe : ce qui est certain, c'est que cela fait des décennies que la fusion nucléaire fait des avancées extraordinaires... tout en restant totalement virtuelle. Il y a 50 ans, on nous annonçait la fusion pour "dans 50 ans". Maintenant, c'est pour "dans 100 ans". Au mieux. En réalité, c'est sûrement pour jamais...

Conclusion : les chercheurs en fusion nucléaire nous prennent pour des imbéciles et se livrent à de basses manœuvres pour obtenir… notre argent. Concernant les politiciens, la seule chose qui est difficile à déterminer est celle-ci : sont-ils complices de ces manoeuvres, ou bien sont-ils totalement crédules face aux effets d'annonce du lobby nucléaire ? On doit bien en trouver dans les deux catégories. Mais, en fin de compte, il est probable que fort peu de gens croient réellement parvenir à quelque chose. D'ailleurs, on commence à lire ici ou là que, même s'il n'aboutit jamais, le projet ITER aura au moins servi à "dynamiser la recherche", à "développer la région PACA", etc.  C'est à la fois dérisoire et indigne : une véritable tromperie de l'opinion et un gaspillage inouï d'argent public.

Stéphane Lhomme
Porte-parole du Réseau "Sortir du nucléaire"

(*) En particulier, le Sénat des Etats-Unis pourrait bien refuser son accord (non pas par conviction antinucléaire, hélas, mais pour des raisons budgétaires : les USA ont leurs propres projets dans la fusion nucléaire et, le budget n'étant pas extensible, ces projets seraient remis en cause par la participation à ITER).


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